Tu te souviens? J’avais commencé à te raconter ma rencontre avec le chocolat Cailler au biscuit militaire. Très bon chocolat, rien à redire de ce côté. Non, c’est plutôt l’expérience globale qui laisserait à désirer. Pourquoi? Tout commence avec cette inscription mystérieuse dans la tablette: « Découvrez-en plus avec Ruedi ».

«Tiens tiens, du chocolat Cailler avec des éclats de biscuits militaires? Rigolo.» Quand je suis tombé sur cette édition spéciale l’autre jour au magasin, je n’ai pas résisté. Tu vois, pour un Suisse de ma génération, le biscuit militaire éveille un mélange d’émotions assez complexe. Il y a le côté typiquement suisse bien sûr: le biscuit militaire est un élément de notre patrimoine culturel, intemporel et attachant.
Je l’aime bien moi, Rodgeur. Un magnifique joueur de tennis, un magicien qui sort des coups extraordinaires. Un héros national des temps modernes. Un modèle pour nous tous. Mais bon, à force de nous le servir à toutes les sauces, ces satanés pubards vont finir par nous lasser…
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Et pourtant, j’étais pressé. Je traversais la gare de Lausanne par le passage sous-voie pour rejoindre mon ami (et néanmoins ex-collègue) Christian R, avec qui je devais préparer le travail de la grosse journée qui nous attendait. On était lundi et la semaine allait commencer fort avec TEDxLausanne: un après-midi de conférences à l’Université de Lausanne, que Christian, Alexandra et moi devions livetweeter et faire vivre sur les réseaux sociaux.
Je m’égare un peu, mais c’est pour te faire comprendre à quel point j’étais concentré, la tête pleine de choses à faire. Soyons clairs: une personne normale n’aurait rien vu, ne se serait pas arrêtée. Tout ce qui va suivre n’aurait jamais dû arriver.
Mais voilà: je ne suis pas une personne normale. Alors quand mon regard a capté cette affiche, il s’est arrêté. « Notre engagement commence ici. » Notre engagement? Quel engagement? Ici? Dans les souterrains de la gare de Lausanne? Ma première réaction: « Une assurance, sans doute. » Généralement, les assureurs adorent parler d’engagement.
Tourner sept fois sa langue dans sa bouche
Mais non, Permed est en fait une agence de placement spécialisée dans le domaine de la santé. Ah. Mais alors qu’est-ce qu’ils ont à venir s’engager dans les souterrains de la gare de Lausanne? Et s’engager à quoi d’abord? Franchement, c’est incompréhensible. Mais ce n’est pas qu’un problème de création.
Comme souvent, c’est la stratégie qui est mal foutue. La communication d’entreprise, ce n’est pas juste parler. C’est émettre un certain message à un public bien défini pour obtenir un résultat précis. Quel objectif pourrait bien mener une entreprise comme Permed à parler d’engagement? A un public aussi varié que les usagers de la gare de Lausanne? Avec une affiche?
Deux hypothèses pour une campagne
Evidemment, je ne suis pas dans le secret de la stratégie de communication de Permed, alors je peux tomber à côté. Mais si je me mets à leur place, je vois deux objectifs à poursuivre. Le premier, c’est de soutenir et stimuler l’activité de l’entreprise: Permed est une agence de placement, il lui faut donc d’un côté du personnel qualifié à placer et de l’autre des établissements médicaux et para-médicaux qui ont besoin de ce personnel. Est-ce que l’affiche est le meilleur moyen d’atteindre ce résultat? Pas sûr: le public exposé n’est pas assez ciblé et du coup, le message ne touchera que rarement des personnes qui peuvent répondre aux besoins de recrutement et de vente de Permed.
Deuxième objectif possible: Permed veut faire mieux connaître son existence et son activité par le public en général. Dans ce cas, l’utilisation d’une affiche est bien adaptée puisqu’elle va toucher un public très varié. Par contre, c’est côté message que ça coince un peu. « Notre engagement commence ici » ne raconte rien de l’activité de Permed. Si le public est intrigué et qu’il s’approche, il pourra lire le contenu complémentaire et saura qui est Permed. Donc, ça peut marcher. Le risque, c’est que le côté mystérieux soit seulement jugé incompréhensible et que la personne passe tout droit.
Franchement, c’est risqué de compteur l’attention et la curiosité du public. C’est le gars qui a fait poser pas mal d’affiches sur les murs vaudois ces dernières années qui vous le dit!
Manque de cohérence
M’enfin, admettons. Admettons qu’un gars (ou une fille, hein) s’intéresse à l’affiche, qu’il s’approche et lise le texte complet. Qu’il veuille en savoir plus. Qu’il dégaine son téléphone et scanne le QR code. Ou quel visite le site permed.ch, ce qui en fait revient au même. Eh bien c’est là que c’est raté: le mot engagement n’apparaît nulle part, aucune référence à la campagne. Rien, que pouic, nada, nichts, nüt! En résumé, soit on ne comprend rien à l’affiche et on l’ignore, soit on essaie d’en savoir plus et on n’obtient pas d’information utile. Bref, j’ai bien peur que cette campagne (qui a quand même dû coûter un paquet de pognon) ne serve pas à grand-chose. C’est dommage.
Décidément, le pinard est partout en ce moment! Pas plus tard que ce matin, je tombe sur un tweet qui montre Nicolas Bideau et Pierre Keller quelque part à Rio de Janeiro. Attablés sur une gigantesque luge en bois, les deux compères trinquent avec un vin qu’on devine vaudois, pour les besoins de « l’œnodiplomatie ». Un concept qui va rester brumeux – désolé – tant le germanique communiqué de presse fédéral mentionné par M. Bideau est indigeste.
L'oenodiplomatie en plein boom! Les vins suisses alliés de nos ambassadeurs! @swisswinepromo https://t.co/24bnCkRuwy pic.twitter.com/kOOHeAtoLX
— Nicolas Bideau (@NicolasBideau) February 4, 2015
Il y a quelques jours, on parlait d’un projet d’œnotourisme destiné à positionner le Pays de Vaud comme destination touristique pour les amateurs de pinard. Un projet qui s’est d’ailleurs adjoint les services du duo d’humoristes Cuche et Barbezat. Quoi, des Neuchâtelois pour parler de vin vaudois? Drôle d’idée, non?
Eh bien peut-être pas, parce qu’ils savent très bien parler du leur à en juger par cette affiche pour le non-flitré neuchâtelois! Joliment tourné, le slogan «Laissez-vous troubler» intrigue et éveille l’intérêt pour ce vin qui, comme son nom le laisse deviner, se caractérise par la présence de lies en suspension. Quand ils parlent de leur non-filtrrrrrré, les Neuchâtelois l’appellent d’ailleurs «le trouble», ce qui permet à l’affiche de fonctionner tout aussi bien auprès de ceux qui connaissent déjà le produit. Bien vu!