Depuis quelques temps, le coronavirus s’est solidement incrusté dans nos vies. Enfin, dans le climat médiatique: j’ai pas de personnes atteintes dans mon entourage. Aujourd’hui, j’essaie de comprendre pourquoi, comme beaucoup de gens autour de moi, ma première réaction a été de minimiser le risque et m’écarter un peu des recommandations officielles.

Ça a commencé la semaine dernière, avec l’interdiction des manifestations qui rassemblent plus de 1000 personnes. «Ils en font pas un peu trop?»

Puis avec la recommandation de pas se serrer la main. «Ouais, mais on s’en fout en fait. On le fait quand même, c’est pas bien grave.»

☝️ Cette vidéo n’a rien à voir avec le coronavirus.

Ces réactions, je les ai entendues plein de fois. Et je les ai eus moi-même, hein. Faut pas croire. Jusqu’à une révélation l’autre soir, en faisant la vaisselle. Car oui, je suis un homme moderne, moi. En passe de devenir un vieux schnoque peut-être, mais un vieux schnoque moderne.

Comment? Ah oui, la révélation.

«Mais comment ça se fait qu’autant de monde, moi inclus, ait autant de peine à suivre les recommandations simples recommandées par nos autorités?» Bon, tu as un cerveau à peu près comme le mien. Donc t’imagines bien que c’était pas formulé exactement comme ça. Mais t’as pigé l’idée.

Le Conseil fédéral, comme l’OMS et tous les gouvernants du monde, suivent la situation de près. Ils ont bien plus d’informations que moi. Ces informations viennent de gens bien plus qualifiés que la plupart de ceux que je croise ou j’entends tous les jours. Toi y compris, désolé.

Alors pourquoi est-ce que mon premier réflexe est de nier? De pas avoir envie de respecter les consignes? De mettre en doute la pertinence des mesures prises par ceux qui nous dirigent?

Ça pourrait être mon légendaire esprit rebelle. Mais c’est pas un trait de caractère partagé par toute la population. En fait, j’imagine deux pistes.

Crise de confiance envers les autorités

C’est un truc qui se répand un peu partout dans le monde, on le voit depuis plusieurs années dans le Baromètre de la confiance de Edelman. En gros, les citoyens ont de moins en moins confiance envers leurs gouvernants.

☝️ Dans le monde, la confiance envers les gouvernants est très faible (Source: Edelman Trust Barometer 2020)

Evidemment, c’est des chiffres globalisés. Evidemment, il y a plein de raisons plus ou moins bonnes à cette attitude, selon les pays. D’ailleurs en Suisse, on est plutôt une exception sur ce thème, avec une confiance dans le gouvernement plus élevée qu’ailleurs.

☝️ En Suisse, on a bien confiance en nos autorités (Source: Swissinfo)

Mais je vois pas de raison pour que cette tendance n’influence pas la Suisse. Surtout que cette défiance se répand dans l’imaginaire collectif. Elle est alimentée par les théories du complot, le manque d’efficacité (ou parfois de volonté) des gouvernements à lutter contre les grands problèmes de notre époque ou encore l’explosion de la fiction dystopienne dans laquelle le peuple doit lutter contre de grands pouvoirs (gouvernement et business en tête) façon David contre Goliath.

☝️ Depuis le film V for Vendetta, le masquede Guy Fawkes est devenu un symbole universel de résistance face au pouvoir.

Cette évolution peut expliquer qu’on ait tendance à remettre en cause les décisions des autorités. Mais il y a peut-être autre chose.

Résistance au changement

Arrêter de fumer. De grignoter. Faire plus de sport. Persuader tes enfants de soulever la lunette des WC avant de faire pipi debout. Faire évoluer les méthodes de travail au sein d’une entreprise… Tous ceux qui ont tenté de changer ou de faire changer les choses le savent: l’humain n’aime pas le changement.

Tellement pas qu’il va développer des trésors de créativité poiur éviter de changer. Le changement le plus violent qu’on puisse avoir à vivre, c’est le décès de quelqu’un à qui on tient. Ce processus de deuil a été modélisé par Elisabeth Kübler-Ross, une psychologue zurichoise.

☝️ La courbe du deuil (et du changement) modélisée par Elisabeth Kübler-Ross

Il est aujourd’hui très utilisé au-delà du deuil, pour accompagner le changement. Et je pense qu’il s’adapte parfaitement à la situation actuelle:

Déni (denial): «C’est pas plus grave qu’une grippe. Pourquoi on en fait tout un foin?»

Colère (anger): «C’est les médias qui créent la panique. Et le Conseil fédéral est obligé de réagir. C’est n’importe quoi, ils vont foutre en l’air l’économie!»

Marchandage (bargaining): «Allez, on se sert la main! Ça va pas changer grand-chose, quand même.»

Problème de confiance et résistance au changement: je pense que ces deux facteurs expliquent assez bien l’attitude initiale du grand public, qui minimisent le danger et trouvent malin de ne pas respecter les consignes.

Mais depuis hier et aujourd’hui, on sent un changement, la prise au sérieux de l’épidémie semble faire son chemin. On est peut-être en train d’atteindre la phase suivante: la dépression?

Et après?

T’inquiète pas, je te vois. Les yeux rivés sur ton écran, le front plissée dans un intense effort de réflexion. Je te vois et je t’entends penser: «C’est bien joli tout ça, Romain. Mais au fond on s’en tape, de savoir pourquoi les gens n’écoutent pas. Je veux savoir comment mieux communiquer et faire passer les infos importantes.»

T’as raison. En tout cas en partie. Parce que savoir pourquoi les réactions se produisent, c’est très utile pour comprendre comment s’y adapter.

Mais ceci est une autre histoire. Ça va venir, promis.

Dans l’immédiat, on arrête de faire les petits rebelles, on ravale nos rancœurs, notre incompréhension et notre scepticisme, et on fait comme on nous a dit de faire. Si ça s’appelle des recommandations de santé publique, c’est qu’il y a une raison.


Photo de l ‘entête: Tarik Haiga sur Unsplash

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