Depuis que j’ai découvert la science du branding, vers 2005, j’ai toujours rêvé de pouvoir m’occuper d’une marque territoriale un jour. «Le top, ça serait de gérer la marque Suisse. T’imagines?», je disais à l’époque à mon pote Pascal. Alors quand la SRRP, la Société romande de relations publiques, a invité Nicolas Bideau, j’ai décidé d’y aller, évidemment.

Nicolas Bideau est ambassadeur et directeur de Présence Suisse: l’équipe chargée de soigner l’image de la Suisse à l’étranger. C’est le job le plus proche de mon fantasme de brand manager de la Suisse 😅

La conférence était passionnante. Nicolas Bideau a rapidement fait le bilan de ses huit ans à la tête de Présence Suisse, tout en nous dévoilant les dessous de sa stratégie. Et il avait beau nous dire régulièrement: «Vous les communicants…», pour moi Nicolas Bideau et Présence Suisse font un vrai travail de relations publiques. C’est bien simple: il y a tellement de choses à retenir de son discours que je vais être obligé de transgresser ma sacro-sainte règle de trois dans cet article!

C’est pas forcément des grands découvertes qui vont révolutionner la communication. Plutôt des bonnes pratiques qu’on devrait pas oublier et qui sont très bien appliquées par Présence Suisse:

  1. Maîtrisez votre sujet
  2. Les médias, c’est pas l’opinion publique
  3. Misez sur le relationnel
  4. Laissez-vous guider par les publics
  5. Utilisez uniquement les meilleurs symboles

Bonne pratique no 1: Maîtrisez votre sujet

«Faites des analyses, ça vous permet de dire non à votre patron», a dit Nicolas Bideau. Son job, c’est de promouvoir l’image de la Suisse à l’étranger. Mais quelle image? Quand il prend la tête de Présence Suisse en 2011, personne n’est capable de répondre avec précision.

Maintenant, il peut se reposer sur un système de monitoring systématique pour suivre en temps réel ce qui se dit de la Suisse dans les médias du monde. Ça aide son équipe à détecter les tendances et agir sur des bases solides. Et ça permet à Nicolas Bideau de parfois dire non à un conseiller fédéral!

Ça doit être pareil pour nous: combien de décisions, combien de plans de communication sont régulièrement mis en place pour répondre à des fantasmes, des idées reçues ou de fausses informations du client ou de la direction? Suivons l’exemple de Nicolas Bideau; prenons le temps de savoir de quoi on parle, avec des données et des chiffres solides.

Bonne pratique no 2: Les médias, c’est pas l’opinion publique

Pendant ses voyages, Nicolas Bideau profite de parler avec plein de monde pour savoir ce qu’on pense de la Suisse. Il appelle ça le test du taxi driver: «Je sors de l’aéroport, j’entre dans le taxi, je dis où je vais. Le chauffeur me demande d’où je viens, je lui réponds et j’attends de voir ce qui vient.»

Alors quelles sont les premières choses qu’on associe à notre pays? Les montagnes, les paysages. Et puis le chocolat, les montres. La stabilité, la neige et les sports d’hiver. Nicolas Bideau remarque qu’il y a souvent un décalage entre le discours des médias et ce que pensent les gens.

La confiance: une des raisons du décalage entre le discours des médias et l’opinion publique. (Source: Edelman Trust Barometer 2020)

Chez moi, ça fait tilt: notre profession est historiquement très liée aux médias. Et donc on a tendance à les prendre très au sérieux. Mais on sait que tout le monde ne les consulte pas, ou en tout cas pas autant qu’il y a 15 ou 30 ans. Et la confiance envers les médias a aussi tendance à s’effriter (le Edelman Trust Barometer le montre année après année). Donc on doit vraiment bien s’appliquer à définir l’opinion publique, ou celle de nos publics-cibles, au-delà de la perception des médias.

Bonne pratique no 3: Misez sur le relationnel

Nicolas Bideau nous a expliqué à plusieurs reprises que le succès des actions de Présence Suisse repose d’abord sur une coopération très étroite entre pouvoirs publics et secteur privé. L’exemple le plus parlant est sans aucun doute la Maison suisse, financée à parts égales par des fonds publics et des sponsors privés.

«Ça n’était pas facile au début. Il a fallu prendre le temps de rencontrer des gens de l’économie, de l’administration, des cantons. Leur faire comprendre l’intérêt de travailler ensemble.» Mais ce sont ces efforts qui permettent aujourd’hui à l’équipe de Nicolas Bideau de rassembler assez facilement une communauté d’intérêts autour de nouveaux projets.

Si on replace ça dans le contexte d’une entreprise ou d’une institution, ça veut dire qu’en tant que professionnels des RP, on doit créer et entretenir un réseau interne. Investir du temps pour connaître les gens. Bien savoir qui fait quoi, pour pouvoir mettre en avant des compétences. Faire appel à une expertise pour analyser une situation. Etre plus forts ensemble au lieu de mener des combats depuis notre tour d’ivoire.

Bonne pratique no 4: Laissez-vous guider par les publics

La stratégie de Présence Suisse se résume en trois mots: Confirmer et surprendre. Il existe des idées reçues sur la Suisse qui rendent notre pays sympathique. Nicolas Bideau a décidé de s’appuyer dessus. «Même si ça fait parfois grincer des dents chez nous parce que ça ne correspond pas toujours à la réalité du pays aujourd’hui.»

Avec cette approche, Présence Suisse rassure. On établit une connexion souvent émotionnelle: on parle de paysages magnifiques, d’objets universellement connus comme les montres ou le couteau suisse, de produits qui font titiller les papilles. Et une fois cette connexion établie, on peut aller plus loin. Surprendre, montrer qu’il y a autre chose derrière cette première impression.

Le roboclette a fait sensation à Las Vegas. Derrière le gag, un concentré de technologie aux applications très utiles dans le domaine médical, social ou industriel (Photo: Présence Suisse)

Ça doit nous rappeler une chose essentielle en communication: ce qui compte, c’est pas ce que toi tu racontes mais ce que l’autre entend. Alors quand on hésite entre plusieurs approches, il faut toujours privilégier celle qui va dans le sens de nos publics.

Bonne pratique no 5: Utilisez uniquement les meilleurs symboles

Très souvent, les thématiques à aborder par Présence Suisse sont relativement techniques et complexes: sur l’économie ou les relations internationales par exemple. Plutôt que se lancer dans de longues explications, Présence Suisse préfère utiliser des symboles forts et immédiatement compréhensibles.

Roger Federer est un excellent symbole, car il incarne les valeurs suisses: précision, performance, longévité… (Photo: Yann Cadic)

Le Saint-Bernard pour la tradition humanitaire, les glaciers qui reculent pour la question climatique, etc. Mais ça veut aussi dire qu’on va éviter certains sujets si on n’a pas de symboles suffisamment puissants.

Pour nous, ça veut dire qu’on doit être exigeants avec les thèmes qu’on aborde. On doit avoir le courage de ne pas se lancer sur des sujets pour lesquels on n’a pas un message assez clair ou des exemples assez parlants. De convaincre nos patrons et nos clients que ça ne marchera pas.

Encore une fois: il y a des bons professionnels de la communication et des relations publiques qui vont dire que tout ça n’a rien de bien nouveau. Et c’est vrai. Mais ça veut pas dire que ces bonnes pratiques sont toujours appliquées.

Et à l’heure où certains cherchent à tout prix la disruption, souvent à grands coups de technologie, je trouve important de se souvenir que les fondements de notre métier restent très humains. Calqués sur le dialogue. Et finalement sur les relations sociales, comme devraient nous le rappeler les mots «relations publiques».


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Wine is all around, parce que c’est pas la première fois que je parle de Nicolas Bideau sur mon blog. Attention, cet article peut donner soif.

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