Dans cet article, je vous propose une plongée rapide dans l’édition 2022 du Global Communication Report, titrée The Future of Corporate Activism. Ce rapport est publié chaque année par le USC Center for Public Relations, un institut de recherche de l’université de Californie du Sud.

Et ça commence bien: je sais même pas comment traduire “Corporate activism”. Enfin, bien sûr que je saurais, mais ce que je veux dire, c’est que ce thème n’a pas été beaucoup exploré dans la sphère francophone. Il n’existe donc pas de traduction communément admise. J’ai lu quelque part «activisme corporate», mais je trouve pas ça très élégant. J’ai donc décidé de parler…

TADAAAAAAA…

… des «entreprises militantes». Je trouve ça chic. Et toi aussi, tu vas voir.

(En fait, je vois que le terme a déjà été utilisé. Tant pis pour moi)

Selon le WEF en 2020, le 21e siècle appartient aux entreprises militantes (tu vois?): des entreprises qui agissent concrètement contre les principaux problèmes que nous affrontons en tant que société: le changement climatique, le racisme, le sexisme, la liste est longue.

The 21st century belongs to corporate activists: companies that take concrete action on the most prominent challenges that we are facing.
– weforum.org

Ce qui compte dans cet extrait, c’est le mot «concret». Parce qu’évidemment, le concept d’entreprise militante, c’est la porte ouverte à tout l’arc-en-ciel du washing: greenwashing, whitewashing, purplewashing, pinkwwashing et j’en passe…

D’ailleurs, les consommatrices et les consommateurs ne sont pas dupes. En 2019, le Edelman Trust Barometer révélait que pour plus d’une personne sur 2, les marques utilisent le soutien à une cause sociétale comme une simple astuce marketing pour vendre plus.

“All talk no action”

J’en vois qui lèvent les yeux au ciel dans le fond. Parce que oui, si tu me connais dans la vraie vie, tu sais que j’ai une petite obsession: je suis convaincu que la quasi-totalité des scandales qui touchent à l’image et à la réputation des entreprises sont causés par un décalage entre les paroles et les actes. Et j’ai tendance à le répéter assez souvent.

Je suis évidemment pas le seul à voir les choses de cette façon…

Mais ça m’impressionne toujours de voir à quel point les marketeux, les communicants et les top managers arrivent à ne pas s’en rendre compte. M’enfin. Je reviendrai sur le sujet un jour.

Entreprise militante

Bref, revenons à nos moutons. Le Global Communication Report 2022 est très intéressant, il y aurait énormément à dire sur tout le document. Aujourd’hui, je vais juste passer en revue quelques passages qui m’interpellent en particulier.

C’est devenu incontournable

Par rapport à il y a 5 ans, 93% des répondants (pros des RP ou agences) estiment passer plus de temps à s’occuper de causes ou d’enjeux de société. Autant dire tout le monde.

L’augmentation se monte à près de 50%, ce qui est plutôt élevé. Evidemment, ce serait bien d’avoir des chiffres absolus pour évaluer efficacement l’effort supplémentaire consacré aujourd’hui au militantisme.

Un engagement sur plusieurs fronts

Plus d’un quart des organisations interrogées sont engagées sur 3 causes à la fois. Plus de deux tiers de ces orgsanisations sont engagées sur 2 à 5 causes.

On comprend pourquoi les pros passent beaucoup plus de temps sur ces sujets qu’il y a 5 ans. Est-ce qu’il faut se réjouir de voir les entreprises prendre leur engagement autant au sérieux? Ou au contraire regretter qu’elles aient besoin d’en faire autant?

Des raisons plus ou moins honorables

Les raisons principales qui motivent l’engagement des entreprises militantes semblent presque désintéressées, ce qui pourrait paraître suspect à un esprit chagrin:

  • «Parce qu’on s’engage en faveur d’un changement social positif»
  • «Parce que c’est en accord avec nos valeurs»
  • «Parce que c’est ce qu’il faut faire»

Si je suis honnête, je dirais que ça sent un peu le caca de taureau. Proposer autant de réponses aussi vagues et flatteuses, ça allait forcément donner des résultats trompeurs.

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Mais je remarque quand même que «pour améliorer notre image de marque» se tient en embuscade à la 4e place avec 33%. C’est loin devant «les priorités du top management» (17% seulement). Bref, les motivations d’une grande partie des organisations restent difficiles à évaluer.

De quoi j’me mêle?

Les pros des RP rencontrent généralement de la résistance à leurs recommandations d’intégrer des sujets de société dans la communication. C’était à prévoir. Mais ce qui est intéressant, c’est que les résistances sont plus fréquentes lorsque la recommandation vient d’une agence plutôt que de l’équipe interne.

Pourtant, on pourrait penser que lorsqu’on engage une agence, c’est justement pour obtenir un point de vue externe d’expert et qu’on devrait lui faire confiance, non? Est-ce que ces chiffres montrent que les équipes internes présentent le sujet d’une manière mieux liée au business? Ou alors que les agences mandatées le sont souvent pour des aspects créatifs et que les top managers acceptent moins les recommandations stratégiques?

J’aimerais bien en savoir plus.

Tout ça pour les médias sociaux?

Quand on leur demande comment elles valorisent leur engagement, plus de la moitié des organisations répondent fièrement qu’elles publient des posts sur les médias sociaux. Ça fait un peu démonstration de vertu. D’ailleurs, elles en parlent aussi beaucoup aux médias (autour de 40%), ça confirme qu’elles essaient surtout de se faire bien voir avec leur engagement.

Elles s’en servent aussi en communication interne, ce qui paraît déjà un peu plus pertinent.

Ce qui me frappe, c’est que très peu de ces organisations parlent de leur engagement dans des conférences ou des discours, ni en formant des partenariats avec des groupes activistes.

Et surtout, presque aucune organisation ne fait aucune mise en avant de son engagement. Je rêve pourtant d’un monde où elles n’auront plus à en parler car ce sera devenu normal!

Alors, greenwashing ou véritables entreprises militantes?

Bon, malgré ces passages très intéressants, le rapport ne permet pas de répondre à cette épineuse question. D’ailleurs, difficile de savoir à quel point ces organisations agissent concrètement ou font «juste de la communication».

Je reste méfiant, mais convaincu que le blabla doit cesser. Pour rester pertinente et accroître leur influence, les organisations doivent mettre la main à la pâte. S’impliquer concrètement. Consacrer leurs efforts à faire plutôt qu’à en parler.

Et là, pas de miracle: les équipes de communication seront forcément peu légitimes. Pour moi, c’est aux RP de convaincre les top managers de la nécessité de devenir une vraie entreprise militante et pas seulement de faire semblant pour se faire bien voir.

J’y reviendrai.


Photo principale: Clem Onojeghuo (Unsplash)

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